L’eau, source de vie : La renaissance d’un forage à Kalifourou

L’accès facilité à une eau potable est bien plus qu’une simple commodité : Elle résout une question fondamentale qui porte en germe d’autres solutions pour de nombreux territoires sahéliens. À Kalifourou, dans le sud-est du Sénégal, l’histoire d’un forage d’eau potable récemment réparé symbolise la résilience et l’espoir qui se redessinent pour les habitants. Ce projet, fruit d’une collaboration entre les communautés locales, SOS SAHEL et le GRET, une ONG internationale partenaire, illustre parfaitement les défis liés à l’approvisionnement en eau potable dans cette région vulnérable disposant de nombreux atouts.

L'histoire d'un forage vieux de 34 ans

Au cœur du Sénégal, à quelques dizaines de kilomètres au sud de Tambacounda, se dresse un château d’eau d’une vingtaine de mètres de haut. Visible de loin, cette structure imposante symbolise l’espoir et la promesse d’une vie meilleure pour les habitants de la région.

Le forage attenant, creusé en 1991, plonge à 120 mètres de profondeur pour atteindre la précieuse nappe phréatique. Pendant des années, il a été la source vitale pour de nombreux villages environnants. Mais en 2007, des problèmes techniques non identifiés ont mis un terme à son fonctionnement, plongeant la communauté dans une crise de l’eau.

Château d'eau de Kalifourou
Château d'eau de Kalifourou

La lutte quotidienne pour l'eau

Pendant plus de 15 ans, la vie des habitants de la région a été marquée par une quête incessante d’eau potable. Une tâche particulièrement éprouvante pour les femmes et les jeunes filles à qui incombe traditionnellement la corvée d’eau. Pour s’approvisionner, le point d’eau le plus proche se trouve à 18 kilomètres du forage actuel. Cette situation a eu des répercussions dramatiques sur la santé publique, en particulier celle des enfants. Lorsque les moyens manquaient pour acheter l’eau aux vendeurs équipés de citernes, de nombreux enfants tombaient malades en consommant de l’eau non potable qu’ils pouvaient trouver. Dans la région du Sahel, trois enfants sur cinq qui décèdent, meurent de problèmes liés à l’eau.

La renaissance du forage

Fin 2023, grâce à l’intervention de SOS SAHEL, le forage a enfin été réhabilité. L’expertise technique a révélé que la pompe à eau était rongée par la rouille, un problème qui avait également affecté la canalisation et créé un immense dépôt dans le fond du château d’eau.
Cette réparation a marqué un tournant pour la commune de Linkering et ses villages environnants. Dans un rayon de 7 kilomètres, des localités comme Wadiyatoubye, Medina Secou, Damba Niama, et bien d’autres, ont retrouvé un accès à l’eau potable.

Responsable du forage devant un nouveau groupe motopompe
Responsable du forage devant l'ancien groupe motopompe
Responsable du forage devant l'ancien groupe motopompe

Témoignage de Mamadou Sadi Ba, responsable du forage de Kalifourou
« Avec le nouveau matériel, le forage de Kalifourou fonctionne. J’ai aussi formé un jeune pour m’aider, ce qui permet d’assurer un service continu. Malgré quelques défis, comme la surchauffe en période de forte chaleur, nous veillons à son bon entretien pour la communauté. »

L'impact sur la vie quotidienne

Les témoignages recueillis auprès des familles nouvellement équipées en eau courante sont poignants. Une habitante évoque, le sourire aux lèvres, les problèmes de dos qu’elle rencontrait auparavant pour se procurer de l’eau. Le gain de temps, particulièrement pour les femmes et les jeunes filles, a des répercussions positives sur l’ensemble de la communauté.

L’accès à l’eau a également un impact significatif sur l’éducation. Avant la réparation du forage, de nombreuses jeunes filles abandonnaient l’école simplement pour aller chercher l’eau quotidienne. Aujourd’hui, elles peuvent se concentrer sur leurs études, ouvrant ainsi la voie à un avenir meilleur.

La gestion durable des équipements : un défi crucial pour l’avenir

La réhabilitation du forage n’est que le début d’un long processus. La pérennité du projet repose sur une gestion efficace et une gouvernance locale impliquant tous les acteurs. Un comité de pilotage du service de l’eau a été mis en place, composé d’élus locaux, de représentants de producteurs et d’associations locales.

Ce comité, accompagné par le GRET et SOS SAHEL, est formé à tous les aspects de la gestion : maintenance, investissement, facturation, outils de gestion et gouvernance. Comme le souligne un représentant du GRET : « Le plus important, c’est le social et pas la technique, d’où le rôle indispensable des femmes et des hommes qui auront la responsabilité du service ».

Oumou Diallo, présidente de la COPIFOR (Comité de pilotage du forage) Kalifourou

Témoignage de Oumou Diallo, présidente de la COPIFOR (Comité de pilotage du forage) Kalifourou
«Avant, Kalifourou était confronté à d’énormes problèmes liés à l’eau. Actuellement, on a de l’eau dans nos robinets. Avec la formation reçue, je comprends bien maintenant les rôles et responsabilités de tous les membres du bureau. Je suis très satisfaite du projet. Toutes les parties prenantes étaient formées : les membres du bureau, les gestionnaires et les techniciens. Mais le coût du carburant est élevé, nous souhaiterions avoir les panneaux solaires, cela aidera beaucoup. Souvent, les populations ont du mal à payer le service d’eau.»

Le comité de gestion à l’épreuve des défis techniques et financiers

Malgré la joie de voir l’eau couler à nouveau, les défis restent nombreux. Lors d’une récente réunion du comité, le premier sujet abordé concernait une fuite sur le château d’eau nécessitant une réparation urgente. La discussion s’est ensuite orientée vers un projet d’installation solaire pour compléter le générateur diesel existant, visant à réduire les coûts et à assurer une plus grande résilience du service.

La question du financement est également cruciale. Boubié Kadio, un membre du comité et chef du projet à SOS SAHEL insiste auprès des usagers et des partenaires sur l’importance de la facturation. Le prix de l’eau, bien qu’abordable, constitue une source de revenu essentielle pour maintenir le système en état de fonctionnement. Pour les familles, il ne remplace qu’en partie les frais générés auparavant par l’absence d’eau potable et surtout il ouvre de nouvelles possibilités économiques, comme la création de potagers ou la transformation de produits locaux destinée à la vente.

L'eau, un moteur essentiel du développement

L’impact de ce projet va bien au-delà de l’accès à l’eau potable. Il touche tous les aspects de la vie communautaire. L’eau permet désormais de générer des revenus et de développer de nouvelles activités économiques. Les potagers fleurissent, et des petites entreprises de transformation de produits locaux, comme la fabrication de jus (Bissap, Baobab, mangue), voient le jour.

Ce développement économique a un effet boule de neige sur la communauté. Il crée des emplois, améliore la nutrition locale, et renforce la résilience face aux aléas climatiques qui affectent souvent cette région du Sahel.

Les leçons pour l'avenir

L’expérience de Kalifourou met en lumière plusieurs leçons cruciales pour les projets de développement dans le Sahel :

1. Pourquoi la maintenance à long terme est-elle essentielle pour les projets de forage au Sahel ?
La maintenance à long terme des infrastructures hydrauliques est un facteur clé de succès pour garantir un accès durable à l’eau potable dans les régions du Sahel. De nombreux forages construits il y a plus de 30 ans sont aujourd’hui vétustes et nécessitent une remise aux normes pour continuer à fonctionner efficacement. Les équipements, même conçus avec des matériaux résistants, ont une durée de vie limitée et s’usent au fil des décennies. Sans un programme d’entretien régulier et une planification adéquate, ces installations risquent de tomber en panne, compromettant ainsi l’approvisionnement en eau des populations locales.

2. Quel est le rôle des acteurs locaux dans la réussite des projets de développement ?
Pour être efficaces et durables, les projets doivent être conçus avec les acteurs locaux en réponse aux besoins spécifiques des populations locales. Leur réussite repose sur l’implication active des habitants, notamment dans la gestion et l’entretien des infrastructures. En intégrant directement les communautés dans ces processus, les projets gagnent en pertinence et en pérennité. Un comité de pilotage, composé de représentants locaux, joue un rôle essentiel dans la gestion quotidienne des installations, la collecte des fonds pour leur maintenance et la planification des actions à long terme. Cette approche participative renforce l’appropriation des projets par la population et limite les risques d’abandon ou de dégradation prématurée des infrastructures.

3. Pourquoi une approche globale est-elle nécessaire pour améliorer l’accès à l’eau au Sahel ?
L’accès à l’eau potable ne doit pas être traité comme un enjeu isolé, mais intégré dans une stratégie de développement global. L’eau est intimement liée à d’autres secteurs essentiels tels que la santé, l’éducation et le développement économique. Par exemple, un accès fiable à l’eau potable permet de réduire les maladies hydriques, d’améliorer les conditions sanitaires dans les écoles et de libérer du temps pour les femmes et les enfants, qui peuvent ainsi se consacrer à d’autres activités productives ou éducatives. Une approche holistique garantit un impact durable et favorise le développement socio-économique des communautés rurales du Sahel.

4. Comment l’innovation technologique peut-elle améliorer la durabilité des infrastructures hydrauliques ?
L’adoption de solutions technologiques innovantes est un levier essentiel pour renforcer la durabilité et la résilience des infrastructures hydrauliques au Sahel. Par exemple, la mise en place d’une installation solaire pour compléter le générateur diesel d’un forage est une avancée majeure qui permet de réduire la dépendance aux énergies fossiles, d’abaisser les coûts de fonctionnement et de limiter l’impact environnemental. L’intégration de technologies modernes, telles que les pompes solaires ou les systèmes de gestion connectés, permet d’optimiser l’efficacité énergétique et d’améliorer la fiabilité des installations d’eau potable, même dans les zones reculées et difficiles d’accès.

5. Pourquoi la formation continue est-elle indispensable pour assurer la pérennité des projets ?
La formation et le renforcement des compétences des acteurs locaux sont des éléments incontournables pour garantir la gestion et la maintenance efficace des infrastructures d’eau potable sur le long terme. Sans un savoir-faire technique suffisant, les communautés locales peuvent se retrouver démunies face aux pannes et aux besoins d’entretien des installations. Des organisations spécialisées, comme le GRET et SOS SAHEL, mettent en place des formations adaptées aux réalités du terrain, permettant aux populations locales d’acquérir les compétences nécessaires pour assurer la gestion autonome de leurs équipements. Cette transmission de savoir contribue à réduire la dépendance aux interventions extérieures et à assurer la durabilité des projets hydrauliques dans le Sahel.

En appliquant ces enseignements issus de l’expérience de Kalifourou, les projets de développement au Sahel peuvent gagner en efficacité et en résilience, offrant ainsi aux populations un accès pérenne à l’eau potable et contribuant à l’amélioration de leurs conditions de vie.

Un espoir pour la région

L’histoire du forage de Kalifourou est bien plus qu’un simple récit de réparation technique. C’est une démonstration puissante de ce qui peut être accompli lorsque les communautés locales, des ONG et des experts techniques unissent leurs forces.

Cette réussite offre un chemin prometteur pour d’autres régions du Sahel confrontées à des défis similaires. Elle montre qu’il est possible de surmonter les obstacles structurels liés à l’accès à l’eau potable et d’ouvrir la voie à un développement durable et prometteur.

Le château d’eau de Kalifourou symbolise désormais bien plus que de l’eau courante. Pour les habitants, il représente la capacité à se réapproprier leur avenir dans la dignité.

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