REVERDIR LE SAHEL, C’EST POSSIBLE !
Au Burkina Faso, « Les Champs de l’avenir » pour lutter contre la désertification 

La sécheresse et la dégradation des terres sont une réalité de tous les jours pour les Sahéliens et les Sahéliennes qui doivent s’adapter et trouver des solutions pour y faire face.

Ils auraient dû vivre des centaines, voire des milliers d’années. Un à un, pourtant, à une cadence inégalée par le passé, les plus vieux baobabs d’Afrique disparaissent. « J’ai vu des baobabs mythiques mourant par milliers lors de la grande sécheresse qui, entre 1970 et 1990, a ravagé le Sahel ». Témoin d’une période sombre, Alfred Sawadogo, président de SOS SAHEL International Burkina Faso estime aujourd’hui « la situation plus catastrophique encore qu’alors, et les dérèglements plus profonds ».  

En effet, la hausse des températures est plus rapide au Sahel qu’ailleurs sur la planète. Elle retarde les campagnes agricoles. Désormais on ne plante plus avant fin juin, au lieu de début mai, alors que la saison s’achève toujours en octobre. Les évolutions du climat ont pour conséquence tantôt des épisodes de grande sécheresse, tantôt des pluies diluviennes qui provoquent des inondations parfois mortelles. Elles lessivent les sols et elles noient les plantations. Les eaux ruissellent et ne s’infiltrent plus dans les terres. Ces changements climatiques amplifient le phénomène de la désertification, une catastrophe pour les communautés sahéliennes dont 80% vivent de l’agriculture familiale et de l’élevage. 

Qu’est-ce que la désertification exactement ? 

D’après Jean-Luc Chotte, directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et président du comité scientifique français de la désertification :

« La désertification n’est pas du tout comme beaucoup le pensent l’avancée du désert. Il s’agit d’un processus qui conduit à la dégradation des terres. La première cause est un mauvais usage des terres comme sa surexploitation et des activités humaines non appropriées. Cette dégradation est amplifiée par les changements climatiques et par l’augmentation de la population et de ses besoins. Les conséquences directes subies par les populations de ces zones sont la perte de productivité et de biodiversité. »  Cependant la désertification n’est pas une fatalité. Il existe des processus de réhabilitation des terres dégradées. Ils impliquent de se réorienter vers des pratiques plus durables qui permettent une bonne exploitation sans pour autant abîmer les terres agricoles.

Faire revivre les terres perdues du Burkina Faso 

Au Burkina Faso, un tiers du territoire, soit plus de 9 millions d’hectares de terres productives, est désormais dégradé. La progression de ce fléau est estimée à 360 000 hectares en moyenne par an (selon les sources de la FAO, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture). 

L’Est, le Centre Nord, le Nord et le Plateau Central font partie des zones les plus arides du pays. Les terres fertiles s’y font rares quand on sait que 97% sont considérées comme légèrement à très sévèrement dégradées.  

Face à cette situation alarmante, il était urgent de développer à grande échelle des solutions pour faire évoluer les méthodes de culture. C’est ce que font les producteurs de ces quatre régions, avec SOS SAHEL et ses partenaires, en mettant en œuvre depuis 2019 le programme Beog Puuto : « les Champs de l’avenir » en langue mooré. 

Pour Guillaume Doulkoum, ingénieur agricole à SOS SAHEL au Burkina Faso, « la priorité est de restaurer la fertilité des terres incultes, de mieux maitriser et conserver l’eau de pluie pour accroitre la productivité, en redynamisant la production agricole et l’élevage. Avec nos partenaires et les communautés rurales, nous appliquons des méthodes éprouvées d’aménagement et de production respectueuses de l’environnement. Et nous formons des agriculteurs et des agricultrices à ces techniques. »  

Se former par la pratique ! 

C’est la raison d’être des Champs écoles que nous avons mis en place avec les producteurs du Centre Nord du pays. Il s’agit de parcelles d’expérimentation dans lesquelles des techniques agricoles sont testées et évaluées par les producteurs et leurs encadreurs. Le but est de faire du producteur un expert dans son champ. Ce qui constitue une bonne garantie pour pérenniser les bonnes pratiques de restauration des terres dégradées pour le futur. 

« La terre était si aride qu’elle n’arrivait même plus à absorber l’eau. Mes parents disaient que plus rien ne pousserait ici. A cause de la baisse des rendements, mes frères ont abandonné leur terre. Ils sont partis en ville. Mais moi je suis resté, avec la ferme intention de cultiver ma terre. Grâce aux Champs écoles, aujourd’hui j’ai replanté des arbres et je produis presque de tout.  Avec du travail et de la patience, on peut tout faire ! », Moussa Ouedraogo, agriculteur à Tengressinin, dans la commune de Korsimoro au Centre Nord du pays. 

30 000 ha de terres restaurés d’ici 2024

A ce jour plus de la moitié a été réalisée, soit 18 000 hectares, l’équivalent de 25 000 terrains de football. Sept fermes pilotes seront créées pour former 1.200 professionnels agricoles. 

Dans les 30 communes impliquées, ce sont 50.000 ménages très pauvres qui sont concernés, représentant environ 350.000 personnes. 

Au-delà de leurs effets directs, la revalorisation des terres, la restauration de la fertilité des sols et le développement économique des zones délaissées sont des facteurs qui renforcent la résilience des communautés et la cohésion sociale. 

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