Les Sahéliens nourrissent les Sahéliens : Promouvoir la production et la consommation des produits locaux grâce aux plantes oubliées Africaines

Les bienfaits reconnus des plantes oubliées soulèvent une question majeure. Comment les intégrer aux systèmes alimentaires des pays d’Afrique pour combattre l’insécurité alimentaire et la dépendance aux importations ? Les participants des Africa Days 2024 organisés par SOS SAHEL, ont tenté d’y répondre à Dakar les 27 et 28 juin 2024. Ce rendez-vous annuel a pour objectif de rassembler divers acteurs afin de partager des idées et promouvoir des solutions durables pour la sécurité alimentaire au Sahel.

Durant deux jours, ils ont été près de 300 participants à vivre des moments d’échanges enrichissants et de découverte, des « trésors cachés » de l’agriculture et de la cuisine africaine. L’événement a suscité des débats, des ateliers et des interventions de personnalités venant de différents horizons, notamment des chercheurs, des décideurs politiques et des producteurs. L’un des ateliers marquants a porté sur le pois de terre, une légumineuse riche en nutriments mais sous-exploitée.

L’exemple du pois de terre.

Le pois de terre, cultivé principalement à l’Ouest du continent, est un exemple de plante locale avec un grand potentiel. Mais cette culture reste marginale.

« Faire des rotations intégrant des légumineuses c’est mieux gérer la fertilité de la terre, et réguler les maladies. Nous devons nous rapprocher des méthodologies de l’agriculture de nos anciens en interrogeant les anciens. » a fait savoir, Issah Faye, du Centre National de Recherche Agronomique de Bambey. Néanmoins Marie Madeleine, productrice en Casamance, rappelle que « les femmes ne vendent pas le pois de terre parce que la production est destinée uniquement à la nourriture, et le marché n’existe pas.» Une agricultrice abonde. « C’est nous les femmes qui cultivons, les hommes ne participent pas à cette culture. Nous produisons juste pour la nourriture à la maison. Pourtant c’est un bon nutriment qui est bon pour la santé. »
Au-delà des discussions sur les contraintes telles que l’absence de soutien et le manque de mécanisation, des solutions ont émergé. Parmi elles, l’accès aux semences de qualité et l’intérêt de la diversification des cultures pour la fertilité des sols ont été avancées aux côtés du soutien technique et de l’investissement dans la recherche…

Les intervenants ont toutefois insisté sur la nécessité de créer une demande sur le marché pour le pois de terre, en valorisant ses aspects culturels et en développant une chaine de production compétitive.

L’Héritage culinaire, une force à mobiliser !

Des initiatives montrent la voie pour intégrer les produits locaux dans la gastronomie et transformer les habitudes alimentaires. Ces Africa Days 2024 furent une vitrine pour réinventer les recettes traditionnelles à travers des ingrédients et des savoir-faire enracinés dans la culture locale. Nous avons eu la chance d’y rencontrer Diao Fatou Kede. Elle a créé une coopérative visant à valoriser les céréales sénégalaises à travers la création de restaurants traditionnels alliant qualité et innovation.

Son but, promouvoir les produits sénégalais et aider les producteurs à vendre leurs productions. Nous avons également pu découvrir les recettes des jeunes chefs de la Fédération Nationale des Cuisiniers du Sénégal et assister à un merveilleux concours culinaire, mettant en lumière leur créativité ainsi que les qualités nutritionnelles des plantes oubliées. Sans oublier les nombreux produits exposés par les entreprises sénégalaises venues présenter leur savoir-faire. Cet héritage culinaire est un atout pour la souveraineté alimentaire et pour la préservation d’un patrimoine culturel unique. ”

Les plantes oubliées d’Afrique : une opportunité pour le continent

Comment peut-on définir les plantes oubliées ?

Autrefois largement cultivées dans leur région d’origine, ces plantes occupent aujourd’hui une part moins importante dans l’agriculture locale de ces lieux et sont remplacées dans les assiettes par des cultures dominantes comme le blé, le riz ou le maïs.
C’est le cas, au Sahel avec le fonio le mil, le sorgho ou le pois de terre par exemple. Pourtant, ces plantes sont plus adaptées aux milieux arides, consomment moins d’eau et apportent un bénéfice nutritionnel non négligeable. Face à l’aggravation du changement climatique et aux crises multiples (guerre en Ukraine, COVID-19) qui affectent les populations et les ressources naturelles, l’Afrique pourrait compter sur ces plantes pour nourrir une population qui devrait doubler d’ici 2050.

Avec une demande croissante sur le marché local et international, une meilleure adaptation au climat et aux sols sols dégradés, de nombreuses espèces oubliées pourraient permettre de diversifier les systèmes alimentaires, tout en permettant de mieux faire face aux aléas du climat. Contribuant au renforcement de l’agriculture, leur valorisation apportent également de nouvelles perspectives aux nouvelles générations d’agriculteurs en Afrique.

Quatre démonstrations qui rendent les plantes oubliées indispensables au développement des régions du Sahel et d’Afrique subsaharienne ?

1.   Environnement
L’accentuation du changement climatique, la pression exercée sur les ressources forestières due à la croissance démographique, la désertification, font que l’agriculture sahélienne n’est plus adaptée à l’exploitation des cultures dominantes (blé, riz, maïs). Les plantes oubliées, plus acclimatées aux sols secs et peu fertiles, peuvent être cultivées dans des conditions difficiles, résistent mieux à la sécheresse et aux parasites et contribuent au maintien de la biodiversité. Elles améliorent aussi la diversité des ressource organiques des sols, réduisent l’érosion et diminuent la dépendance aux produits chimiques.

2.   Économie
La valorisation des plantes oubliées stimule les économies locales en créant des opportunités pour les agriculteurs. Elle encourage la prise d’initiative et permet de diversifier les sources de revenus. Adaptées aux sols et au climat d’Afrique subsaharienne, elles nécessitent moins d’investissements que les cultures dominantes et offrent ainsi un revenu par tonne généralement plus élevé que les espèces non endémiques.

3.   Nutrition
Les céréales et grains locaux sont souvent plus riches en nutriments. Ils sont produits avec moins de produits chimiques, réduisant ainsi les risques sanitaires. Ces plantes favorisent une alimentation plus saine et diversifiée.

4.   Inclusion sociale
Cultivées et transformées souvent par des femmes, les plantes oubliées jouent un rôle essentiel dans leur inclusion économique. Ces cultures, en intégrant les communautés locales, assurent la continuité des traditions et la préservation du patrimoine culinaire.

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