Tribune SOS SAHEL : Journée mondiale de l’alimentation

© Nicholas Holt - SOS SAHEL

A l’occasion de la journée mondiale de l’alimentation, dont le thème était « le droit à une alimentation saine pour une vie et un avenir meilleurs », SOS SAHEL a publié une tribune pour appeler à une mobilisation générale en faveur de la transformation des systèmes alimentaires. Notre volonté : mettre en lumière le rôle essentiel des cultures africaines « oubliées » pour éradiquer la faim et garantir la sécurité alimentaire de millions de Sahéliens et Sahéliennes.
Pour en savoir plus, nous vous invitons à lire, ci-dessous, l’intégralité de la tribune.

Journée mondiale de l’alimentation : les plantes africaines « oubliées » au service d’une vie et d’un avenir meilleurs

La communauté internationale, sous l’égide de la FAO, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, organise ce 16 octobre la Journée mondiale de l’alimentation. Cette année, le thème retenu est : « Le droit aux aliments au service d’une vie et d’un avenir meilleurs ».

Selon la FAO, nous produisons suffisamment pour nourrir la population mondiale mais 733 millions de personnes sont encore confrontées à la faim en raison « de conflits, de chocs climatiques répétés et de ralentissements économiques ». Les pays en développement dont ceux du Sahel sont en premier lieu confrontés à ce défi, notamment les populations les plus vulnérables comme les femmes, les jeunes et les ménages agricoles. SOS SAHEL et ses partenaires sont pleinement mobilisés pour l’atteinte de l’Objectif de Développement Durable 2 qui vise à éliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir une agriculture durable. Au Sahel, nous agissons pour la mise en place de systèmes agricoles durables, compatibles avec la fragilité de l’environnement naturel. Mais ce défi ne peut être relevé que dans le cadre de solutions endogènes qui passent par des investissements massifs dans l’agriculture locale et la promotion du consommer local.

Convaincus de cette approche, nous travaillons à valoriser les plantes africaines « oubliées » et leur impact potentiel sur la sécurité alimentaire dans une Afrique en proie au défi majeur de la lutte contre la faim. En accord avec l’Objectif de Développement Durable 17 – Partenariats pour la réalisation des objectifs, nous mobilisons une diversité d’acteurs : producteurs, associations de consommateurs, chercheurs, journalistes, représentants étatiques, partenaires au développement et entreprises. Le partenariat est au cœur de notre action. En réunissant ces différentes parties prenantes, nous créons un espace de dialogue où les points de vue sont confrontés et débattus. Dans un schéma de co-construction, des solutions concrètes et innovantes sont pensées pour améliorer les pratiques agricoles dans la zone sahélienne, tirant parti de l’expertise et des perspectives uniques de chaque acteur.

Le défi est colossal, nous en sommes conscients. 32 millions parmi les 300 millions de personnes qui vivent en Afrique de l’Ouest sont en situation d’insécurité alimentaire. Parmi eux, 7 millions sont dans une situation d’urgence. Dans la région du Sahel, l’agriculture est la principale source de revenus pour plus de 90% de la population. Elle concentre en moyenne 70% des emplois et contribue pour 20% du PIB.

La montée des tensions dans certains pays de la bande sahélienne nous inquiète et nous oblige à agir. L’insécurité dans le Sahel et la guerre de retour sur le continent européen génèrent une hausse des prix des denrées et accroissent le niveau d’insécurité alimentaire des populations, souvent dépendantes des importations ou de l’aide internationale.

Des solutions locales existent mais elles sont confrontées à des obstacles. L’un des plus importante est la marginalisation de nombreuses cultures, jadis largement cultivées, au profit de trois grandes céréales modernes : le blé, le riz et le maïs. Or, celles-ci sont peu produites localement et leur importation a un impact conséquent sur les budgets des États et sur le pouvoir d’achat des ménages. Par exemple, rien qu’au Sénégal, 1 milliards et demi de dollars sont consacrés chaque année à l’importation de denrées alimentaires, ce qui a un impact sur la balance commerciale, l’équilibre des finances publiques et le pouvoir d’achat des ménages.

Or les espèces endogènes trop souvent « oubliées » sont pourtant généralement mieux adaptées aux conditions climatiques actuelles. Elles nécessitent moins de ressources en eau dans un contexte de rareté et de dérèglement climatique. Nous pouvons citer par exemple le fonio, appelé aussi la « graine de l’univers ». Le fonio, céréale cultivée au Sahel, est particulièrement riche en magnésium et en fer, et sans gluten. De même que le mil et le sorgho, ainsi que de nombreux protéagineux, il pourrait, s’il est valorisé, sortir des millions d’habitants de la dépendance du riz importé.

Pour renforcer la résilience des populations du Sahel il nous faut accélérer l’accès à la sécurité et la souveraineté alimentaires. Il nous faut coopérer et agir en synergie pour obtenir un impact systémique. Aussi, nous avons lancé en 2024, l’Alliance des Cultures Africaines, une coalition dédiée à la promotion, à la valorisation et au développement des cultures marginalisées à fort potentiel sur le continent africain. L’un des porteurs du projet n’est autre que le chef sénégalais de renom Pierre Thiam, icône de la gastronomie africaine basée à New York. Il inclut dans sa cuisine depuis de nombreuses années ces plantes aux multiples bienfaits.

Notre volonté de mettre la lumière les plantes oubliées comme le fonio rejoint l’engagement des États à tout mettre en œuvre en vue de relever le défi de la sécurité et de la souveraineté alimentaires.

Dans notre engagement au quotidien, nous sommes conscients des limites en termes d’actions des États, car en Afrique tout est urgent. C’est pour cette raison que nous pensons que la solution pour la sécurité alimentaire sur le continent ne peut venir que des unités agricoles familiales dont la marge de progression est inestimable. Or 80% des fermes en Afrique sont de petites exploitations. En Afrique de l’Ouest, l’agriculture familiale fournit entre 60 et 80 % de la nourriture des ménages. Ces chiffres rendent plus que nécessaire l’accroissement des investissements vis-à-vis des exploitations familiales en vue de permettre de lutter efficacement contre la faim et la pauvreté.

Nous pensons qu’il est nécessaire enfin de soutenir l’autonomisation économique et sociale des femmes car elles sont au cœur de la résilience des familles face aux chocs et des stratégies de développement endogène. Les chiffres officiels le confirment. Selon l’Enquête harmonisée sur les conditions de vie des ménages au Sénégal en 2021 réalisée par l’Agence nationale pour la Statistique et la Démographie du Sénégal (ANSD), « la pauvreté est moins répandue dans les foyers dirigés par des femmes comparativement à ceux dirigés par des hommes ». Nous avons par exemple, à Dar Salam dans la région de Kédougou lancé un projet dont 72% des producteurs formés, sont des productrices qui se sont portées volontaires pour développer leurs compétences dans la filière du fonio.

Ce 16 octobre, en communion avec la communauté internationale, nous lançons un appel solennel pour rejoindre ces efforts en vue de la sécurité et de la souveraineté alimentaires au bénéfice des jeunes et des femmes d’Afrique. En ligne avec l’Objectif de Développement Durable 17, nous invitons tous les acteurs à former des partenariats solides et innovants. Ensemble, nous pouvons relever le défi de l’autosuffisance dans le Sahel grâce aux plantes « oubliées », aux exploitations familiales et à toutes les énergies créatrices autour du consommer local. 

Signataires

Jean LELONG, Président de SOS SAHEL International France

Remi HEMERYCK, Délégué Général de SOS SAHEL

Pedro DIOUF, Ambassadeur de SOS SAHEL représentant le Président Abdou DIOUF

Pierre THIAM, Chef cuisinier, auteur, Vice-Président de SOS SAHEL
 

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