Niger : les filles à l’école ! Un droit fondamental bénéfique pour toute la communauté

Au Niger, aujourd’hui encore les filles restent très en retard sur les garçons tout au long de leur scolarité.

Ce pays, l’un des plus pauvres au monde, est classé à la 3ème place des pays où les filles sont le moins scolarisées, après le Soudan du Sud et la Centrafrique. Une fille sur deux n’est pas scolarisée.
Dans la région de Tillabéry, le plateau de Ganguel, bien que situé à quelques kilomètres de la capitale Niamey, constitue un territoire profondément rural. La faible scolarisation se fait particulièrement sentir. Si 50% des jeunes filles ont accès aux écoles primaires du plateau, parfois dans des conditions sommaires (classes sous paillote, écoles non électrifiées, absence de latrines), seulement 16% d’entre elles accèdent au collège de Saga Fondo.
C’est dans ce cadre que SOS SAHEL, partenaire de l’AMADE (Association mondiale des amis de l’enfance), contribue depuis 2019 au programme « Dignité pour les femmes », et en particulier sur son volet dédié à la favorisation de l’éducation des jeunes filles.

Pourquoi est-ce si difficile pour les filles d’aller à l’école au Niger ?

Au Niger, l’école est obligatoire jusque 16 ans. Cette mesure, adoptée en 2017 par décret présidentiel, vise notamment à protéger les jeunes filles des mariages précoces et à encourager leur éducation.
Mais aujourd’hui encore, au Niger, il n’est pas si simple pour les jeunes filles de suivre une scolarité sans interruption. Plusieurs facteurs sont en cause.
Le premier problème est le manque d’infrastructure en matière d’éducation. Il n’y a pas assez d’écoles. Bon nombre de celles qui existent sont des paillotes. Trop peu sont équipées de latrines.  Le Plateau de Ganguel est particulièrement touché. Près de la moitié des salles de classe sont des paillottes, et seulement une école sur dix est équipée de latrines. De plus, il manque d’enseignants formés et les classes sont surchargées.

Dans ce contexte la loi se heurte également à la question des mariages précoces.
Au Niger, la tradition veut que l’on marie les filles très jeunes. Dans les campagnes, une fille qui n’est pas encore mariée à 14 ans attire la honte sur sa famille. Le mariage précoce des filles est également considéré comme une solution à la précarité. L’éducation des jeunes filles ne constitue pas une priorité pour leurs familles, qui bien souvent très pauvres, voient en ces mariages une manière de diminuer leurs dépenses.

Pour que chaque fille devienne une femme instruite 

En 2021, deux écoles de Niamey et Maradi ont vécu un drame. Une quarantaine de jeunes enfants avaient alors péri dans des incendies de paillotes.
Dans le cadre du programme « Dignité pour les femmes » dont SOS SAHEL est le maître d’œuvre, la première action initiée fut la construction de salles de classes en béton, pour remplacer les paillottes, ainsi que de latrines.  
En effet, l’accès aux toilettes est un enjeu majeur pour maintenir les jeunes filles scolarisées.  
Souvent, ces dernières sont contraintes de rentrer chez elles, à plusieurs kilomètres, par crainte et par honte de s’exposer. Et généralement, elles ne reviennent pas. Et lorsqu’elles deviennent adolescentes, elles sont nombreuses à ne plus oser aller à l’école pendant leur cycle menstruel. Plus insidieusement, elles finissent par prendre du retard dans leurs études, voire par complètement abandonner leur scolarité. 
Samira, une élève de 3ème au collège de Saga Fondo a connu les classes en paillote sans accès aux toilettes. « Il était difficile d’étudier dans des classes en paillotes à cause des mauvaises conditions, entre les insectes, les reptiles, le vent, le froid et la chaleur. » explique-t-elle. « De plus les toilettes étaient inutilisables, les filles étaient obligées de se mettre souvent à l’écart de l’école. Aujourd’hui avoir des toilettes change tout, cela nous permet d’être plus à l’aise sans risque d’être gênées. »

Changer les mentalités sur la scolarité des filles, l’autre enjeu fondamental 
En complément de ces infrastructures, les membres des associations de développement local partenaires ont été formés pour sensibiliser la communauté (leaders communautaires, chefs de village…) à la scolarisation des jeunes filles et à la lutte contre les mariages précoces et forcés. Toutes les interventions convergent vers la réduction de l’écart filles-garçons.
Mamadou Maman, enseignant depuis 1996 et proviseur du collège de Saga Fondo constate des changements positifs tous les jours : « Avant dans les classes en paillote, les conditions de travail et d’apprentissage étaient précaires et difficiles à supporter. Les élèves étaient assis sur des nattes, en période d’harmattan le froid empêchait la concentration, et avec le vent et la poussière en période hivernale, l’année était souvent écourtée. Depuis la construction des écoles en dur, j’ai constaté des changements positifs surtout sur la motivation et l’assiduité des élèves. Le collège a même enregistré des demandes de nouvelles inscriptions records.
Avec les nouvelles mesures prises par l’Etat pour augmenter le taux de scolarisation des filles, les parents sont plus prudents et ne refusent pas publiquement. Pour sensibiliser les familles, nous avons mis en place les COGES (comités de gestion des établissements scolaires) et des réunions périodiques avec les parents d’élèves. De plus en plus de parents envoient leurs filles à l’école. Les filles abandonnent rarement d’elles-mêmes. Bien souvent, ce sont les parents dans le dénuement qui doivent faire un arbitrage entre marier leur fille ou la laisser poursuivre ses études. Mais les choses bougent, y compris dans les milieux ruraux. »

A ce jour, sur le plateau du Ganguel, le programme « Dignité pour les femmes » a réalisé 6 salles de classes équipées dans les écoles primaires de Daraina, Sétoré et Karey Gorou, 4 salles de classe au collège de Saga Fondo et 3 blocs de latrines dans les écoles primaires de Sétoré et de Daraina, et au collège de Saga Fondo.
L’école de Kosseye et le collège de Saga Fondo disposent de point d’eau. Le collège est par ailleurs raccordé au réseau national d’électricité. 


Nous sommes fiers des premiers résultats qui montrent un changement significatif.
Le taux de scolarisation en primaire atteint aujourd’hui 90%. Et 50% des écoliers sont des écolières ! On compte 1 060 élèves dans les quatre écoles de Sétoré, Kosseye, Karey Gorou, Daraina), dont 528 filles. Ce taux est de 50% au secondaire, et près de la moitié sont des filles. Parmi elles, 50% obtiennent leur diplôme du secondaire.  On compte 497 élèves au sein du collège de Saga Fondo, dont 190 filles. 

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