Comme en Espagne et dans de nombreuses régions en Europe, des inondations meurtrières ont sinistré plusieurs pays d’Afrique depuis le début de l’été 2024. Des pluies torrentielles sont provoquées par la succession de phénomènes tels que « El Nino » ou « La Nina ». Avec le changement climatique, de telles situations sont vouées à se répéter à l’avenir. Des actions sont entreprises pour y faire face, mais elles restent limitées face à l’ampleur des défis qu’affrontent l’Afrique.
A l’instar des inondations en Espagne, la région du Sahel a vécu au rythme des pluies diluviennes aux conséquences dramatiques. Au Tchad, on dénombre 576 victimes à la fin octobre ainsi que 259 000 hectares de terres agricoles affectées et des dizaines de milliers de bêtes emportées, ce qui pose des problèmes graves dans une région où règne l’insécurité alimentaire. Au Niger, le bilan s’élève à 339 morts et un million de sinistrés depuis le début de la saison des pluies. Au Sénégal, il y a quelques jours, ce sont 50 000 déplacés le long du fleuve Sénégal qui ont été touchés.
Les experts du climat prévoient tous un accroissement de ces phénomènes en intensité et en fréquence. Les effets du réchauffement climatique mondial en sont la cause.
L’enjeu des régions sèches concerne l’ensemble de la planète
La 29ᵉ Conférence sur le climat (COP29) a débuté le 11 novembre à Baku en Azerbaïdjan. Cette réunion internationale est une occasion importante pour le continent africain de faire entendre ses préoccupations face aux enjeux de la hausse des températures mondiales. Lors de la précédente COP28 à Dubaï en 2023, des engagements ont été pris pour mobiliser des fonds supplémentaires pour soutenir les efforts d’adaptation et de transition énergétique dans les pays en développement. Cependant, le montant total des promesses reste largement insuffisant par rapport aux impacts humains, économiques et environnementaux du changement climatique. Nous ne pouvons nous satisfaire de mesures visant uniquement à renforcer la résilience des populations face aux nouveaux aléas du climat. En effet, l’enjeu des régions sèches concerne l’ensemble de la planète. 2,1 milliards de personnes (un tiers de la population mondiale) y habitent. Les zones sèches assurent les besoins de base à une proportion significative de la population mondiale, mais elles sont menacées. Si la protection des populations au changement climatique est indispensable, il faut aussi créer les conditions pour assurer des systèmes alimentaires durables et le développement économique des États dans un contexte d’explosion démographique. D’après les prévisions de l’Organisation des Nations Unies (ONU), l’Afrique doublera sa population et comptera près de 2,5 milliards d’habitants d’ici 2050. Autrement dit, plus de 25 % de la population mondiale sera africaine.
Un symbole de lutte pour la protection de l’environnement qui permet la mise en place d’une agriculture durable au profit des habitants
En raison de sa géographie, de son climat semi-aride et d’une population déjà vulnérable, le Sahel est particulièrement impacté par les effets néfastes du changement climatique et de la désertification. La perte de terres fertiles amplifiée par l’érosion des pluies violentes, la baisse des ressources en eau et la dégradation des écosystèmes ont un impact disproportionné sur les habitants, qui dépendent étroitement de l’agriculture et de l’élevage pour leur subsistance.
Le projet Albia au Tchad tente d’apporter une réponse concrète à ces phénomènes. Aux côtés du Ministère de l’environnement, de la pêche et du développement durable tchadien, SOS SAHEL apporte son expertise pour créer des pôles de développement agro-pastoraux afin de répondre aux besoins essentiels des habitants autour de la réserve Ouadi-Rimé et Ouadi Achim, une des plus grandes réserves naturelles au sud du Sahara. “Albia” est une mosaïque d’actions cohérentes de protection de milieux naturels et de création d’emplois agricoles. Le projet permettra de soutenir sur le long terme la protection des ressources naturelles tout en renforçant la sécurité alimentaire.
Quand la population local s’approprie son future face au changement climatique
La gestion collaborative du site de Sala par exemple, avec la combinaison de plantation d’arbres et l’utilisation de plantes résistantes pour reconstituer un couvert végétal, ont permis de protéger et régénérer nombres de sols à vocation agricole. Un accès à l’eau facilité et une animation sociale autour du partage des connaissances, de l’expérimentation et de l’amélioration des pratiques ont permis aux agropasteurs, des éleveurs pratiquant également l’agriculture, de diversifier et d’augmenter leur production. Et c’est toute l’économie locale et les habitants qui en bénéficient !
En octobre 2024, Plus de 22.000 arbres dont 500 fruitiers ont été plantés sur ce site aux portes du désert dans le cadre du projet Albia. Mais le reboisement doit se faire avant tout dans l’intérêt des habitants. C’est pourquoi les arbres plantés serviront à fixer des dunes et à constituer des haies vives pour protéger les cultures des animaux. Ils lutteront également contre l’érosion des terres arables en fixant les sols et en reconstituant leur fertilité. Enfin, les arbres fruitiers apporteront un surplus de richesse au bénéfice des habitants.
Avec la gomme d’Acacia, l’Afrique nourrit déjà le monde !
Contre les idées reçues, les zones sèches d’Afrique regorgent d’opportunités et de ressources naturelles pouvant être valorisées durablement au bénéfice des habitants de ces territoires. Dans une autre région plus septentrionale à celle d’Albia, le projet Acacia auquel participe SOS SAHEL soutient les productrices de gomme arabique. La gomme est une sève récoltée dans les forêts sèches du Sahel. Gélifiant, émulsifiant ou fibre naturelle, elle constitue un ingrédient naturel utilisé par l’industrie agroalimentaire dans des produits aussi divers que le chocolat, les chips ou les boissons. Une production d’exportation très prisée qui, bien mise en place, a l’avantage d’être renouvelable et respectueuse de l’environnement. Les forêts d’Acacia constituent ainsi un excellent moyen de lutte contre la désertification. Depuis 2009, le projet Acacia permet aux productrices de récolter la gomme dans de meilleures conditions et de préserver les forêts naturelles de gommiers.
Ainsi, dans des régions où la température atteint près de 50° en fin de saison sèche, déployer des pratiques agroforestières complémentaires aux systèmes de cultures traditionnels fondés sur les cultures pluviales, permet aux communautés de protéger durablement leurs terres tout en diversifiant leurs revenus monétaires. Avec le programme Acacia, ce sont plus de 10.000 hectares de terres cultivables dégradées qui ont été restaurés sur les dix dernières années au bénéfice de 28.000 producteurs.
Des initiatives de la Grande Muraille Verte à soutenir
Imbriqué au sein des initiatives de la Grande Muraille Verte (GMV) et en étroite collaboration avec l’Agence tchadienne de la GMV, SOS SAHEL et ses partenaires (donateurs, entreprises, fondations, institutions, …) accompagnent les habitants dans leur aspiration à vivre dignement et en autonomie sur leurs terres. Mais ces efforts doivent être encouragés et amplifiés. Malgré sa grande vulnérabilité, le Tchad n’accède que trop peu aux financements climatiques, un ensemble de fonds destinés aux pays pour faire face aux changements climatiques. A l’initiative de l’Ambassade du Royaume-Uni et du gouvernement tchadien à N’Djamena le 5 novembre dernier, nous nous sommes accordés à promouvoir une action collective entre Etat, donneurs internationaux et société civile. Il était important pour SOS SAHEL de saisir cette opportunité pour rappeler l’urgence de multiplier les actions soutenant la gestion durable des ressources naturelles afin de renforcer les moyens de subsistance des populations locales.
Si les enjeux sont tout aussi prégnants plus au nord de la planète, l’Espagne, les USA ou l’Europe centrale, bénéficieront sans doute et c’est heureux des grandes capacités de leur économie pour reconstruire et mieux s’adapter.
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