Guerre en Ukraine : le Sahel menacé par la crise alimentaire mondiale 

Le 14 mars dernier, L’ONU a mis en garde contre « un ouragan de famines et un effondrement du système alimentaire mondial ».

Voici quatre mois que la guerre fait rage en Ukraine entrainant de terribles répercussions sur les vies humaines. 

Au Sahel, une crise plus sourde, avec des conséquences indirectes de la guerre, s’annonce tout aussi dramatique en raison de la grande fragilité de ses territoires. Après le Covid-19, la guerre en Ukraine aggrave la situation, ajoutant la pénurie et l’inflation à une situation déjà critique. 

D’autant plus aujourd’hui où ces événements viennent alourdir davantage la période dite de « soudure », qui court de juin à septembre, particulièrement difficile pour des millions de Sahéliennes et de Sahéliens. 

« La période maigre approche dans le Sahel. Des millions de personnes sont poussées aux limites de la survie. Au Burkina Faso, au Tchad, au Mali et au Niger, la situation a atteint des niveaux alarmants. Il n’y a pas de temps à perdre. Nous devons agir maintenant pour sauver des vies », écrit sur Twitter Martin Griffiths, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et coordinateur des secours d’urgence des Nations Unies, le 19 mai 2022. 

Dans de nombreuses zones rurales, la production agricole ne couvre les besoins essentiels que durant sept mois de l’année. Alors que les réserves de l’an passé sont presque épuisées et que la nouvelle récolte n’est pas encore disponible, de nombreuses familles se retrouvent sans ressources. C’est ce qu’on appelle la période de “soudure” qui culmine au mois d’aout et de septembre.   

Un phénomène bien connu des populations locales comme des gouvernements qui peinent pourtant à anticiper les crises. 

Pourtant des solutions existent et parmi elles : le warrantage. 

Le warrantage pour anticiper et soulager les crises alimentaires

Durant la saison d’abondance, les producteurs sont souvent contraints de vendre leurs produits à des prix très bas parce qu’ils ne disposent ni de moyens de stockage, ni d’une épargne suffisante. Et par la suite, ils n’ont plus suffisamment de revenus pour faire vivre correctement leur famille pendant le reste de l’année. C’est pourquoi ils se sont organisés en groupement et ont développé, avec le soutien de SOS SAHEL, une solution efficace et innovante : le warrantage. 

Le principe est simple : les producteurs gèrent collectivement un magasin dans lequel ils stockent des produits agricoles. Ils obtiennent en contrepartie un crédit. Cela évite qu’ils bradent leurs céréales, légumes et fruits. Le crédit obtenu permet de subvenir aux besoins de leur famille et d’investir dans d’autres activités économiques. 

Ils vendent ensuite leur production à une période plus propice, lorsque les prix augmentent (basse saison). Leur vente permet de rembourser le crédit et ses intérêts, et même de dégager un revenu supplémentaire pour la famille. 

« Au Niger, la pomme de terre est la deuxième production mondiale. Grâce à la création de champs écoles, nous avons formé les producteurs de pommes de terre à sa transformation, sa conservation et sa commercialisation. La conservation représentait un enjeu primordial. Nous avons appris aux producteurs à conserver la pomme de terre pour la vendre à un prix plus intéressant. Pour régler la problématique de l’écoulement de la marchandise, nous avons créé des points de vente de proximité au niveau de la capitale. Les magasins de conservation des pommes de terre représentent une importante valeur ajoutée pour les producteurs. », Idrissa Moussa, coordinateur de projet au Niger pour SOS SAHEL. 

« Des études montrent que l’accès au warrantage joue positivement sur la sécurité alimentaire, en augmentant à la fois la quantité de céréales que les producteurs ont en stock au moment de la soudure, et en augmentant la diversité alimentaire des ménages qui en bénéficient. », Elodie Maitre d’Hotel, économiste et chercheuse au Cirad. 

Cependant comme l’explique Sibiri Jean Zoundi, chef d’Unité Gouvernance régionale de la sécurité alimentaire et nutritionnelle, Secrétariat Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest (CSAO/OCDE) : « Les stocks de sécurité alimentaire sont des instruments de gestion : ils ont vocation à soulager une crise alimentaire, et non à l’éviter. Pour prévenir ces crises, il faut des programmes structurants de long terme pour s’attaquer à leurs causes sous-jacentes. » 

En 2022 pour la troisième année consécutive le niveau d’alerte est particulièrement élevé. Mali, Tchad, Niger, Burkina Faso… Sur l’ensemble de la région ce sont 38,3 millions de personnes qui sont exposées à la faim et la malnutrition.  

 

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